Sarah et l'étrange souffle de l'esprit

Histoire vraie

Sarah. Le fruit d’une grossesse non désirée. Une enfance bafouée, baignée dans une violence où l’amour tente de survivre. Un combat pour comprendre et accepter ses jours, mais avant tout, pour aimer. Au seul nom de la vie, un témoignage poignant pour ceux qui savent et ceux qui ignorent, tandis que l’étrange souffle de l’esprit, omniprésent, construit dans l’ombre et la lumière, son œuvre gigantesque…

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Je ne sais pas pour qui, pour quoi, ni même l’objectif précis de ce récit. J’ai dix sept ans.

Dois-je déjà dire que voici le temps d’allonger mes souvenirs, ou le temps de les pendre par la corde des mots, sans savoir combien de temps ils résisteront, et où ils atterriront ?

Spontanément pourtant, alors que rien ne semblait m’y avoir préparée, j’ai ouvert la pochette salie par les jours de tempête, et me voici à étaler mes différents feuillets, comme on rassemblerait un tas de feuilles mortes qu’on voudrait recoller à l’arbre pour leur offrir une seconde chance. Celle d’une nouvelle vie. Je ne peux par ailleurs m’empêcher de songer, comme lors d’une vive interrogation, à l’incessant renouvellement des saisons.

Je pourrais ainsi attendre dix, vingt, cinquante, soixante ans, ou encore ce jour où je ressentirais les derniers moments d’ici-bas. J’emploierais alors d’autres mots, parce que j’aurais tout simplement mené d’autres réflexions. Car peut-on parler vraiment d’expérience de vie à dix-sept ans ? Certainement que oui. Mais en partie seulement. Alors, pourquoi maintenant ?

Je crois tout simplement que d’autres réflexions me tenteraient, et sans doute aucun, basées sur une plus grande maturité. Il paraît qu’en vieillissant, on devient plus apte à réfléchir. Certes. Mais à réfléchir. En outre, attendre équivaut à prendre un risque : celui d’employer un langage tout autre, probablement plus élaboré comme on dit, mais aussi d’ôter au texte un peu de son authenticité. Car il paraît aussi qu’en vieillissant, se déforment les situations comme le physique.

Or, je ne veux pas donner une seule ride à ces lignes qui sortent tout droit de mes feuillets, de bouts de journaux intimes et même, de bouts de papier à chiottes qui m’ont servi à écrire, faute de mieux. Cela peut paraître peu plaisant ou surprenant, mais ça contient la fraîcheur de l’instant, la trace d’un cheminement précieux.

Alors, quelle que soit la direction que prendront ces lignes, où qu’elles atterrissent, ne pas s’étonner du langage de l’enfant-adulte qui évolue et se remarque au fil des pages, de ce langage sensible, cru ou cruel, des paradoxes dans lesquels circule la vie, comme le sang s’écoule en tout humain.

Et puis, enfin, il y a ce que déjà je sais du haut de ma petite montagne et surtout, ce souffle de l’esprit qui me dit encore : « N’attends pas que tes souvenirs deviennent un souvenir de tes souvenirs, construisent un passé qui t’enchaînerait… »